Défi musical : Rêves Indomptables

Écrit peu après « Je te décevrai », celui-ci m’avait déjà bien plus inspiré. Pour un peu de contexte, celui-là suit la vie d’Asina Hass, une « jeune » assassine au service de la famille dirigeante d’un syndicat du crime, qui est en réalité une ancienne dirigeante de celui-ci, maudite, transformée en enfant, conditionnée et ré-élevée par les assassins de son amant passé. C’est un de mes premiers travaux sur les émotions à l’écrit. On y trouve normalement deux variations de la même voix ; celle onirique, mature, réelle, et celle réelle, enfantine, factice qu’elle est contrainte à avoir.

Il a été effectué sur Still Here du groupe Digital Daggers !

Rêves Indomptables

La journée va finir, je vais rentrer voir mon grand frère et les autres. La maison est grande, et depuis quelques semaines, on a souvent des invités. A cause de notre nouvelle situation, on ne peut pas vraiment voir tous les autres, mais ceux qui viennent sont très gentils.

Tout d’abord, il y a mon grand frère, Depp. Quelqu’un de jovial. J’arrive à le faire rire presque à chacune de mes actions. C’est lui qui m’a élevée, qui m’a appris à parler, lui qui a toujours pris soin de moi. C’est à lui que je dois ma vie, et donc pour lui que je me bats. Je sais qu’on a « trahi » les autres, et je ne suis pas vraiment d’accord, mais je suis mon frère, et surtout mon père adoptif. Turon, il s’appelle, et c’est vraiment quelqu’un de très souriant. Un homme très gentil, il ne veut jamais que je m’éloigne beaucoup de lui, parce qu’il a peur qu’il m’arrive quelque chose. Souvent, il me lit une histoire avant de dormir, et quand je me blesse, il me soigne. Il est très intelligent, il sait comment gérer beaucoup de problèmes et il est scientifique. Depuis tous petits, il s’occupe de grand frère et moi. C’est lui qui a décidé qu’on allait s’opposer à la famille qu’on servait, parce qu’ils allaient nous faire du mal si on continuait, et qu’ils n’étaient pas très gentils. Ça, c’est lui qui le dit, moi je n’ai jamais vraiment eu de problèmes avec eux, ils agissent un peu comme nous, s’ils étaient méchants, on le serait aussi. Ensuite, il y a un ami de Turon qui passe souvent. Alfonso, il s’appelle. Je crois que c’est son collègue, ami, et supérieur. Un scientifique aussi. Eux deux parlent souvent à un homme qui reste caché dans les ombres et ne me laisse pas approcher. Je pense qu’il est timide.

Il y a aussi Valerio. Lui, c’est une crème. Il passe moins souvent, mais il est très souriant, comme Turon, très gentil avec moi, et ses compagnons animaux sont tout doux. Il me laisse toujours les caresser. Ah, il est cuisinier, je crois. Je ne l’ai jamais vraiment vu faire à manger, mais il a toujours son couteau fétiche sur lui, et je crois que c’en est un de cuisine. Ah, il a amené quelqu’un il y a pas longtemps, une femme super jolie. Je crois que c’est sa cousine. Ah oui, Alfonso, Valerio et elle sont cousins, même, je crois. La femme chante vraiment très bien, j’ai jamais été aussi calme que quand elle le fait.
Tout ce monde à la maison, c’est bien. Mais il y a aussi des soirs où il y a personne. Et ces soirs là, je les adore. Parce que quand il y a personne. Bah je peux filer au lit directement. Chaque nuit, je sais que je fais le même rêve, mais je m’en souviens jamais vraiment. Pourtant, il y a quelque chose de merveilleux dedans, je le sais. Quelque chose qui me tire au coeur.
Ce soir, je rentre, et il n’y a personne. Je retire mes chaussures, j’en profite pour enlever mes vêtements et me diriger vers ma chambre. On vit dans un petit manoir caché dans une montagne. Dedans, je file dans mon lit, je ferme les yeux, et j’essaye de m’endormir.



Une fois endormie, les choses deviennent très différentes. Ma léthargie est une sorte d’éveil, malgré l’absence de mes sens. Je sais qu’il est là, qu’il veille sur moi. J’essaye de l’atteindre, mais jamais il ne se laisse toucher. Je me remémore les souvenirs que nous avons lui et moi. Mais pourtant, chaque fois que j’étends la main vers lui, il se dissipe, comme une illusion. Je ne peux me résoudre à penser qu’il n’existe pas, pourtant. Car il n’y a que la nuit que je puisse être réellement moi. Je m’accroche à mon rêve, espérant que tôt ou tard il essayera de m’atteindre aussi. Chaque nuit, je rêve qu’il est avec moi, et que nous allons enfin nous retrouver. Je rêve que nous soyons encore ensemble, comme avant. Mais à chaque fois, il retourne au sein des ombres. Je serais prête à mourir, pour lui, au fond de moi, quelque chose me le dit. Il y serait prêt aussi.
Quelque chose nous lie. Quelque chose de puissant, de beau, de merveilleux, et de mystérieux. Je l’aime, je le sais, et lui continue de veiller. Je me sens en sécurité, mais en même temps je le sens en danger. Quelque chose cloche, je tente de nouveau de l’atteindre, mais une fois de plus, il m’échappe.
Être loin de lui, c’est quelque chose que j’ai du mal à supporter. J’aime le soutenir, j’aime être là pour lui, je sais que je n’ai pas besoin de plus, et pourtant, je ne peux même pas faire ça.
Je me souviens des jours heureux. Je me souviens des jours malheureux. Je me souviens des jours sanglants. Je me souviens du désespoir. Mais aucune haine ne me vient. Je ne peux que le considérer lui, et réessayer. Il faut que je l’atteigne, il faut que je le protège, maintenant. Comment ferai-je ? Les larmes me viennent, car je réalise mon impuissance, je réalise qu’il s’éloigne de moi. Je réalise que ce n’est peut-être qu’une futilité, mais en même temps, je ne peux pas arrêter de m’y accrocher.

Mais cela n’arrive que dans mes rêves. Chaque matin, j’oublie tout. Ce que j’ai ressenti, ce que je ressens, ce que je ressentirai. Il ne me reste à chaque fois que le bonheur de sa présence, le malheur de son absence, et mon coeur qui menace de sortir de ma poitrine. Je ne suis plus moi-même, au réveil.
Et pourtant, chaque nuit, j’y retourne. J’espère qu’un jour, il me répondra. J’espère qu’un jour, je lui reviendrai. Lui qui sera toujours à mes côtés. Lui qui veille sur moi dans mes rêves. Lui dont l’existence fait de moi une femme heureuse.



Et voilà, encore un réveil pareil. Mal au ventre, mal aux épaules, je me sens mal, mais en même temps je me sens bien. Je sais qu’il faut que je dorme plus, quelque chose me dit que je me souviendrai de mes rêves, si je dors assez. Mais Depp crie « Asi, amène ton cul en bas ou je te latte la gueule, on a des invités. » J’entends Turon le frapper, et je descends. La journée commence à nouveau.

Défi musical : Je te décevrai

Il y a entre trois et quatre ans, j’ai pris la décision de m’essayer à écrire en prenant des chansons qui m’inspiraient en guise de bases. L’un des textes que cela a donné est le suivant, dit « Je te décevrai », qui se centre autour de la fin de la vie d’un antagoniste que j’ai créé par le passé pour Wakfu (quand j’entamerai les pages de présentations de personnages, cherchez celle de Silk Mortemain !). Avec le recul et les années, je ne suis pas très satisfait de ce texte, mais c’était un de mes premiers essais d’utiliser une chanson comme base, donc, ça a sa place ici !

La chanson qui a ici servi de base est I Will Fail You de Demon Hunter.

Je te décevrai

Quelques minutes après minuit, notre affrontement venait de finir. Ils avaient vaincu. J’avais perdu. Tous mes espoirs, toute ma personne, tout ce qui m’avait mené ici n’avait maintenant plus de sens. J’allais mourir, je le savais. Mes actes ne pouvaient être pardonnés. Tuer les miens. Les torturer. Leur faire subir le Mal. Pour moi, cela avait eu du sens. Maintenant qu’ils m’avaient arrêté, plus aucun. Avant de fermer définitivement les yeux, je décidai de regarder une dernière fois devant moi. Fermer les yeux, hein ? Non, dans mon cas, on allait probablement me les arracher, comme je le leur avais fait. Je réouvrai les miens avec difficulté, le sang partiellement séché sur mes paupières n’aidait pas. Malgré tout celui-ci, malgré toutes mes blessures, je ne sentais plus rien. Peut-être était-ce l’adrénaline. Peut-être le moment précédant le grand froid.
Il était là. Il me regardait, fixement. Lui, que j’avais torturé. Lui, dont j’avais tué la famille. Lui, dont j’avais pris soin par le passé. Il leva la main, et les autres s’arrêtèrent. Il devait vouloir me finir lui-même. Je vis ses lèvres bouger. Je vis les autres trembler. Mes tympans avaient visiblement lâché, puisqu’aucun son ne me parvenait. Puis, il se retourna, leur fit face, agita les bras comme s’il donnait des ordres. Ils semblèrent tous surpris, l’espace d’un instant. L’une d’entre eux s’avança vers moi. Il l’avait donc autorisée à porter le coup de grâce. Le froid venait. La dernière chose que je sentirais, probablement.
Je refermai les yeux, m’abandonnant enfin à ce repos. Je l’avais mérité. Tant d’années. Tant d’années passer à se battre. Tant d’ignominies commises. Tant de Mal causé. Tant de Mal accepté. Tant de folie. Le meilleur du pire, c’était ce que j’avais été. Ce froid et cette absence de sensations étaient en train de disparaître. Était-ce ça, la mort ? Une gigantesque douceur pour une personne fatiguée ?
C’est alors que je l’entendis hurler.

– Debout ! Tu n’as pas le droit de mourir, enfoiré ! Après tout ce que t’as fait, tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ?

Je vois…Soigner pour mieux torturer, place à l’agonie alors. Je sentis mes blessures se refermer. Dans un haut-le-coeur, je crachai le sang qui s’était coincé dans ma gorge. Et de nouveau, il était en train de hurler.

– Je t’ai dit de te lever, connard ! Tu vas pas me lâcher là. Pas après tout ça, je suis pas allé jusque là pour que tu crèves.

Mes yeux s’entrouvrirent. Je devais voir son expression. L’expression de l’homme qui allait me torturer. Le sang séché craquela et commença à tomber. Il pleurait. Mon coeur se serra. Je croyais qu’il était mort il y a longtemps, pourtant. Mais il se serrait. Pourquoi pleurait-il ? Était-ce une crise de nerfs ? Une crise de rage ? Arrivait-il enfin à pleurer toutes mes victimes ?
Mais de nouveau, il hurla.

– Reviens. Reviens parmi nous. Reviens où on en était. Tu peux encore le faire ! Tu peux encore être l’un des nôtres !

Mon visage s’embua. Mon sens de l’esthétique me rappela brièvement que je devais être horrible à voir. Sang et larmes mélangés sur mon visage. Une horreur. Mais ça n’avait plus la moindre importance, où nous en étions. Il…me donnait une chance. Mais je n’y avais pas le droit.

– …peux…plus…articulai-je difficilement.
– Tu la fermes, tu te laisses soigner, et tu rentres avec moi ! On est plus à une horreur près, toi et moi ! A l’avenir, on sera ensemble. Avec tous les autres. Ensemble, tu m’entends ?
– …te déce…vrai…suis…sûr…
– Je t’ai dit de la fermer, putain ! On va en sortir ensemble.
– Je…Je te rappellerai…la souffrance, éternellement. Je…te décevrai, finis-je par dire quand mes cordes vocales furent en meilleur état. J’en suis sûr. Je te l’ai dit. Et un jour, de nos mémoires, le destin reviendra nous jouer son tour.
– Et tu crois que j’en ai quelque chose à faire, de tout ça ? Je suis allé jusque là pour te récupérer. Je te pardonne, tu comprends ? Je te pardonne ! On oubliera pas. On ne peut pas oublier. Mais on travaillera à ce que tu contrebalances. Vis contre ce que tu as fait. Vis pour ceux que tu as blessés. Vis pour ceux que tu as tués. C’est ce que je te donne, et ce que je t’obligerai à faire. Viens avec moi.

Mes larmes coulaient. Je ne savais pas. Les questions affluèrent dans mon esprit. Cet homme était meilleur que moi. En tant qu’être humain, en tant que combattant, et en tant qu’ami. Il ne me restait qu’à me rendre. Mes poumons se remplirent d’une grande bouffée d’air frais. Le retour du son de mon coeur m’apparut comme une berceuse. Le sommeil venait. Avant de m’écrouler, il fallait que je le lui dise.

– Je te décevrai…Jusqu’à la fin de nos vies. Mais…Je m’en remets à toi. Je…