Texte indépendant : Jeux d’échecs

Sous couvert de parties d’échecs, une « guerre » se mène entre une divinité joueuse et une ombre aspirant à la divinité ; tordus, chacun manipule ses pions, que ceux-ci en soient conscients ou non.

Jeux d’échecs

Il y a longtemps, j’étais humain. Quelqu’un comme vous qui me lisez. Quelqu’un de normal. J’avais des rêves, des aspirations, des qualités, des défauts, des peurs et des hantises. Mais cela fait maintenant plusieurs centaines d’années que je ne le suis plus. Et, je dois vous l’avouer, en tout ce temps, on se lasse rapidement. On a l’impression d’avoir tout fait, et on en arrive à un niveau où tout nous semble fade, même les nouvelles inventions de la jeunesse.
Cependant, il y a toujours une chose qui réussit à éclairer mes journées. C’est un jeu. Les échecs. Je cherche régulièrement toutes sortes d’adversaires, et chaque partie dure assez longtemps, est assez palpitante, pour que le temps passe rapidement. Au début, les ennemis se succédaient, même si c’était palpitant, je croyais que comme toujours, ça finirait. Mais depuis quatre cents ans, je joue toujours la même partie. Long, n’est-ce pas ?
Mon adversaire est retors. La fourberie incarnée, quelqu’un que je ne recommanderais pas aux simples humains. Lui et moi n’avons cependant pas besoin de nous menacer. Tout est affaire d’intérêt. Il souhaite quelque chose de moi, je souhaite quelque chose de lui, ainsi, nous jouons en pariant et ajoutant nos propres règles.
Pour la première fois depuis que je ne suis plus humain, je vois la fin de la partie arriver en ma défaveur. Il ne me reste que mon roi, symbolisé par moi-même. Mes autres pièces sont tombées. Je suis donc « seul » aux commandes. Je n’ai pas vraiment peur, il ne lui reste que cinq pièces.
Impossible de gagner, cependant, avec les règles conventionnelles, mais je suis retors également.

Je souris, regarde le sombre individu qui m’affronte et lui fait part de mon idée.

– Voyons voir. J’ai perdu mes pièces. Tu sais que pour ta prochaine partie, tu as une limite de temps. Tu sais que tu ne pourras la commencer sans avoir fini celle-ci. Alors voilà ce que je te propose. Mon roi devient ton pion. En échange, tu me laisses rassembler un nouveau groupe de pièces. Qu’en dis-tu ?

Il accepte et la partie reprend alors. Mon nouveau roi est symbolisé par quelque chose de bien étrange. Un drapeau. J’ai avec lui une armée entière de pièces, mais il ne reste à mon adversaire que six pièces en comptant son roi.
Je commence alors mon attaque. Elle est difficile, mais en faisant attention et forçant mes pièces à attaquer de manière coordonnée, je commence à éliminer les pions de mon adversaire. De choix, ils sont cependant peu nombreux. Ma force est celle du nombre et de la réflexion. En tant que pion de mon adversaire, j’attends mon moment. Enfin, sa reine tombe. L’action est alors logique, je deviens sa reine. Je commence à repousser mes propres pions, mais en sacrifiant ma nouvelle reine, j’élimine mon propre pion. Je souris à mon adversaire et entame alors l’assaut final.
Tous mes pions restants entrent dans son territoire. Il ne lui reste plus que deux pièces, son roi et une tour. Il invoque une armée de pions, mais ils ne font que pâle figure face à la mienne. Le moment de la fin approche. Je place mon dernier coup, et enfin, alors que son roi s’effondre, je le regarde une dernière fois.

– Aussi fourbe que tu sois, aussi fort que tu sois. Ton erreur fut ton avidité pour mon roi. Tu as échoué, mais je t’en remercie. Cette partie aura été la plus amusante que ma « vie » m’ait donnée. Merci, sombre ami. Adieu, sombre ennemi.

Défi musical : Rêves Indomptables

Écrit peu après « Je te décevrai », celui-ci m’avait déjà bien plus inspiré. Pour un peu de contexte, celui-là suit la vie d’Asina Hass, une « jeune » assassine au service de la famille dirigeante d’un syndicat du crime, qui est en réalité une ancienne dirigeante de celui-ci, maudite, transformée en enfant, conditionnée et ré-élevée par les assassins de son amant passé. C’est un de mes premiers travaux sur les émotions à l’écrit. On y trouve normalement deux variations de la même voix ; celle onirique, mature, réelle, et celle réelle, enfantine, factice qu’elle est contrainte à avoir.

Il a été effectué sur Still Here du groupe Digital Daggers !

Rêves Indomptables

La journée va finir, je vais rentrer voir mon grand frère et les autres. La maison est grande, et depuis quelques semaines, on a souvent des invités. A cause de notre nouvelle situation, on ne peut pas vraiment voir tous les autres, mais ceux qui viennent sont très gentils.

Tout d’abord, il y a mon grand frère, Depp. Quelqu’un de jovial. J’arrive à le faire rire presque à chacune de mes actions. C’est lui qui m’a élevée, qui m’a appris à parler, lui qui a toujours pris soin de moi. C’est à lui que je dois ma vie, et donc pour lui que je me bats. Je sais qu’on a « trahi » les autres, et je ne suis pas vraiment d’accord, mais je suis mon frère, et surtout mon père adoptif. Turon, il s’appelle, et c’est vraiment quelqu’un de très souriant. Un homme très gentil, il ne veut jamais que je m’éloigne beaucoup de lui, parce qu’il a peur qu’il m’arrive quelque chose. Souvent, il me lit une histoire avant de dormir, et quand je me blesse, il me soigne. Il est très intelligent, il sait comment gérer beaucoup de problèmes et il est scientifique. Depuis tous petits, il s’occupe de grand frère et moi. C’est lui qui a décidé qu’on allait s’opposer à la famille qu’on servait, parce qu’ils allaient nous faire du mal si on continuait, et qu’ils n’étaient pas très gentils. Ça, c’est lui qui le dit, moi je n’ai jamais vraiment eu de problèmes avec eux, ils agissent un peu comme nous, s’ils étaient méchants, on le serait aussi. Ensuite, il y a un ami de Turon qui passe souvent. Alfonso, il s’appelle. Je crois que c’est son collègue, ami, et supérieur. Un scientifique aussi. Eux deux parlent souvent à un homme qui reste caché dans les ombres et ne me laisse pas approcher. Je pense qu’il est timide.

Il y a aussi Valerio. Lui, c’est une crème. Il passe moins souvent, mais il est très souriant, comme Turon, très gentil avec moi, et ses compagnons animaux sont tout doux. Il me laisse toujours les caresser. Ah, il est cuisinier, je crois. Je ne l’ai jamais vraiment vu faire à manger, mais il a toujours son couteau fétiche sur lui, et je crois que c’en est un de cuisine. Ah, il a amené quelqu’un il y a pas longtemps, une femme super jolie. Je crois que c’est sa cousine. Ah oui, Alfonso, Valerio et elle sont cousins, même, je crois. La femme chante vraiment très bien, j’ai jamais été aussi calme que quand elle le fait.
Tout ce monde à la maison, c’est bien. Mais il y a aussi des soirs où il y a personne. Et ces soirs là, je les adore. Parce que quand il y a personne. Bah je peux filer au lit directement. Chaque nuit, je sais que je fais le même rêve, mais je m’en souviens jamais vraiment. Pourtant, il y a quelque chose de merveilleux dedans, je le sais. Quelque chose qui me tire au coeur.
Ce soir, je rentre, et il n’y a personne. Je retire mes chaussures, j’en profite pour enlever mes vêtements et me diriger vers ma chambre. On vit dans un petit manoir caché dans une montagne. Dedans, je file dans mon lit, je ferme les yeux, et j’essaye de m’endormir.



Une fois endormie, les choses deviennent très différentes. Ma léthargie est une sorte d’éveil, malgré l’absence de mes sens. Je sais qu’il est là, qu’il veille sur moi. J’essaye de l’atteindre, mais jamais il ne se laisse toucher. Je me remémore les souvenirs que nous avons lui et moi. Mais pourtant, chaque fois que j’étends la main vers lui, il se dissipe, comme une illusion. Je ne peux me résoudre à penser qu’il n’existe pas, pourtant. Car il n’y a que la nuit que je puisse être réellement moi. Je m’accroche à mon rêve, espérant que tôt ou tard il essayera de m’atteindre aussi. Chaque nuit, je rêve qu’il est avec moi, et que nous allons enfin nous retrouver. Je rêve que nous soyons encore ensemble, comme avant. Mais à chaque fois, il retourne au sein des ombres. Je serais prête à mourir, pour lui, au fond de moi, quelque chose me le dit. Il y serait prêt aussi.
Quelque chose nous lie. Quelque chose de puissant, de beau, de merveilleux, et de mystérieux. Je l’aime, je le sais, et lui continue de veiller. Je me sens en sécurité, mais en même temps je le sens en danger. Quelque chose cloche, je tente de nouveau de l’atteindre, mais une fois de plus, il m’échappe.
Être loin de lui, c’est quelque chose que j’ai du mal à supporter. J’aime le soutenir, j’aime être là pour lui, je sais que je n’ai pas besoin de plus, et pourtant, je ne peux même pas faire ça.
Je me souviens des jours heureux. Je me souviens des jours malheureux. Je me souviens des jours sanglants. Je me souviens du désespoir. Mais aucune haine ne me vient. Je ne peux que le considérer lui, et réessayer. Il faut que je l’atteigne, il faut que je le protège, maintenant. Comment ferai-je ? Les larmes me viennent, car je réalise mon impuissance, je réalise qu’il s’éloigne de moi. Je réalise que ce n’est peut-être qu’une futilité, mais en même temps, je ne peux pas arrêter de m’y accrocher.

Mais cela n’arrive que dans mes rêves. Chaque matin, j’oublie tout. Ce que j’ai ressenti, ce que je ressens, ce que je ressentirai. Il ne me reste à chaque fois que le bonheur de sa présence, le malheur de son absence, et mon coeur qui menace de sortir de ma poitrine. Je ne suis plus moi-même, au réveil.
Et pourtant, chaque nuit, j’y retourne. J’espère qu’un jour, il me répondra. J’espère qu’un jour, je lui reviendrai. Lui qui sera toujours à mes côtés. Lui qui veille sur moi dans mes rêves. Lui dont l’existence fait de moi une femme heureuse.



Et voilà, encore un réveil pareil. Mal au ventre, mal aux épaules, je me sens mal, mais en même temps je me sens bien. Je sais qu’il faut que je dorme plus, quelque chose me dit que je me souviendrai de mes rêves, si je dors assez. Mais Depp crie « Asi, amène ton cul en bas ou je te latte la gueule, on a des invités. » J’entends Turon le frapper, et je descends. La journée commence à nouveau.

Défi musical : Je te décevrai

Il y a entre trois et quatre ans, j’ai pris la décision de m’essayer à écrire en prenant des chansons qui m’inspiraient en guise de bases. L’un des textes que cela a donné est le suivant, dit « Je te décevrai », qui se centre autour de la fin de la vie d’un antagoniste que j’ai créé par le passé pour Wakfu (quand j’entamerai les pages de présentations de personnages, cherchez celle de Silk Mortemain !). Avec le recul et les années, je ne suis pas très satisfait de ce texte, mais c’était un de mes premiers essais d’utiliser une chanson comme base, donc, ça a sa place ici !

La chanson qui a ici servi de base est I Will Fail You de Demon Hunter.

Je te décevrai

Quelques minutes après minuit, notre affrontement venait de finir. Ils avaient vaincu. J’avais perdu. Tous mes espoirs, toute ma personne, tout ce qui m’avait mené ici n’avait maintenant plus de sens. J’allais mourir, je le savais. Mes actes ne pouvaient être pardonnés. Tuer les miens. Les torturer. Leur faire subir le Mal. Pour moi, cela avait eu du sens. Maintenant qu’ils m’avaient arrêté, plus aucun. Avant de fermer définitivement les yeux, je décidai de regarder une dernière fois devant moi. Fermer les yeux, hein ? Non, dans mon cas, on allait probablement me les arracher, comme je le leur avais fait. Je réouvrai les miens avec difficulté, le sang partiellement séché sur mes paupières n’aidait pas. Malgré tout celui-ci, malgré toutes mes blessures, je ne sentais plus rien. Peut-être était-ce l’adrénaline. Peut-être le moment précédant le grand froid.
Il était là. Il me regardait, fixement. Lui, que j’avais torturé. Lui, dont j’avais tué la famille. Lui, dont j’avais pris soin par le passé. Il leva la main, et les autres s’arrêtèrent. Il devait vouloir me finir lui-même. Je vis ses lèvres bouger. Je vis les autres trembler. Mes tympans avaient visiblement lâché, puisqu’aucun son ne me parvenait. Puis, il se retourna, leur fit face, agita les bras comme s’il donnait des ordres. Ils semblèrent tous surpris, l’espace d’un instant. L’une d’entre eux s’avança vers moi. Il l’avait donc autorisée à porter le coup de grâce. Le froid venait. La dernière chose que je sentirais, probablement.
Je refermai les yeux, m’abandonnant enfin à ce repos. Je l’avais mérité. Tant d’années. Tant d’années passer à se battre. Tant d’ignominies commises. Tant de Mal causé. Tant de Mal accepté. Tant de folie. Le meilleur du pire, c’était ce que j’avais été. Ce froid et cette absence de sensations étaient en train de disparaître. Était-ce ça, la mort ? Une gigantesque douceur pour une personne fatiguée ?
C’est alors que je l’entendis hurler.

– Debout ! Tu n’as pas le droit de mourir, enfoiré ! Après tout ce que t’as fait, tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ?

Je vois…Soigner pour mieux torturer, place à l’agonie alors. Je sentis mes blessures se refermer. Dans un haut-le-coeur, je crachai le sang qui s’était coincé dans ma gorge. Et de nouveau, il était en train de hurler.

– Je t’ai dit de te lever, connard ! Tu vas pas me lâcher là. Pas après tout ça, je suis pas allé jusque là pour que tu crèves.

Mes yeux s’entrouvrirent. Je devais voir son expression. L’expression de l’homme qui allait me torturer. Le sang séché craquela et commença à tomber. Il pleurait. Mon coeur se serra. Je croyais qu’il était mort il y a longtemps, pourtant. Mais il se serrait. Pourquoi pleurait-il ? Était-ce une crise de nerfs ? Une crise de rage ? Arrivait-il enfin à pleurer toutes mes victimes ?
Mais de nouveau, il hurla.

– Reviens. Reviens parmi nous. Reviens où on en était. Tu peux encore le faire ! Tu peux encore être l’un des nôtres !

Mon visage s’embua. Mon sens de l’esthétique me rappela brièvement que je devais être horrible à voir. Sang et larmes mélangés sur mon visage. Une horreur. Mais ça n’avait plus la moindre importance, où nous en étions. Il…me donnait une chance. Mais je n’y avais pas le droit.

– …peux…plus…articulai-je difficilement.
– Tu la fermes, tu te laisses soigner, et tu rentres avec moi ! On est plus à une horreur près, toi et moi ! A l’avenir, on sera ensemble. Avec tous les autres. Ensemble, tu m’entends ?
– …te déce…vrai…suis…sûr…
– Je t’ai dit de la fermer, putain ! On va en sortir ensemble.
– Je…Je te rappellerai…la souffrance, éternellement. Je…te décevrai, finis-je par dire quand mes cordes vocales furent en meilleur état. J’en suis sûr. Je te l’ai dit. Et un jour, de nos mémoires, le destin reviendra nous jouer son tour.
– Et tu crois que j’en ai quelque chose à faire, de tout ça ? Je suis allé jusque là pour te récupérer. Je te pardonne, tu comprends ? Je te pardonne ! On oubliera pas. On ne peut pas oublier. Mais on travaillera à ce que tu contrebalances. Vis contre ce que tu as fait. Vis pour ceux que tu as blessés. Vis pour ceux que tu as tués. C’est ce que je te donne, et ce que je t’obligerai à faire. Viens avec moi.

Mes larmes coulaient. Je ne savais pas. Les questions affluèrent dans mon esprit. Cet homme était meilleur que moi. En tant qu’être humain, en tant que combattant, et en tant qu’ami. Il ne me restait qu’à me rendre. Mes poumons se remplirent d’une grande bouffée d’air frais. Le retour du son de mon coeur m’apparut comme une berceuse. Le sommeil venait. Avant de m’écrouler, il fallait que je le lui dise.

– Je te décevrai…Jusqu’à la fin de nos vies. Mais…Je m’en remets à toi. Je…


Concept : Je suis la Prisonnière

Conçu il y a déjà un an et demi, « Je suis la Prisonnière » est un mélange de récit et d’univers, mais surtout un concept que j’aimerais un jour mener à bout, sous forme de roman, de webcomic, de bande dessinée, voire même de jeu vidéo. Il présente l’histoire de « la Prisonnière », une femme de sang-mêlé dans une nation gouvernée par l’Art, et traitant via métaphores de ce même Art, et de ses différentes formes.

Le récit se centre autour de trois personnages : la Prisonnière, le Dramaturge, et le Spectre, et suit chacun dans sa propre aventure, chaque passage narré suivant un personnage différent tour à tour, selon un cycle perpétuel qui fait Prisonnière – Dramaturge – Spectre – Prisonnière – Dramaturge – Spectre, etc

Chacun des trois personnages représente une valeur différente, et a des interactions différentes avec l’univers corrompu dans lequel le récit se déroule. Chacun se bat selon ses propres motivations, et ses propres objectifs, et jamais ils ne se rencontrent.

La Prisonnière est un symbole de liberté par dessus tout, une femme bafouée pour ses différences vis-à-vis de son royaume.
Le Dramaturge est un symbole de cruelle nécessité, il est la fin qui justifie les moyens, le machiavélisme e à l’état pur, un pragmatique qui n’agit toujours que vers son objectif.
Le Spectre est l’incarnation de la vengeance, de la réflexion froide et dangereuse d’une personne désespérée, qui ne tient plus qu’en s’accrochant à la vengeance.

Du moins, c’est ce que sont chacun des trois au début du récit.

Tel que le concept est pensé, la narration manipule l’attention du lecteur pour faire croire que les trois personnages voient leurs aventures se dérouler en parallèle alors qu’en réalité elles se succèdent ; l’ordre chronologique serait donc le suivant :

– Tous les chapitres de la Prisonnière à la suite.
– Tous les chapitres du Dramaturge ensuite.
– Enfin, tous les chapitres du Spectre.

J’ai par le passé écrit un petit texte de présentation de ce concept, que voici :

Je suis la Prisonnière

Je suis la Prisonnière
Je suis le Dramaturge
Je suis le Spectre de la Mort

Ils m’ont enfermée pour me faire taire
Ils m’ont fait bafouer toutes mes croyances
Ils m’ont pris tout ce que j’avais, mon identité, et ceux que j’aimais

Je suis la Liberté, si essentielle
Je suis le Mal, si nécessaire
Je suis la Vengeance, si implacable

Je briserai mes chaînes, qu’importe la volonté du monde.
Je sauverai ma nation, sans en avoir le droit.
Je les ferai souffrir, mille fois plus qu’ils ne me l’ont fait.

Je le mérite.
Elle le mérite.
Ils le méritent.

Mon conte ne fait que commencer.
L’Histoire se met en marche.
Leur fin approche.

Je sortirai de cette prison.
Je resterai dans l’Histoire comme son plus grand Mal.
J’entrerai dans leurs vies comme le serpent crachant le venin de la rétribution.

Je porte en moi le souffle de l’individualité.
Je porte en moi le courant de la nécessité.
Je porte en moi la flamme de la rationalité.

Fini le temps où je me battais pour les autres mais ne me battais pas pour moi.
Fini le temps où je voyais la corruption mais ne la combattais pas.
Fini le temps où je pleurais les miens mais ne les vengeais pas.

Je suis la Prisonnière.
Je suis le Dramaturge.
Je suis le Spectre de la Mort.

Défi hebdomadaire : La Colline au Saule

Encore un défi hebdomadaire, dont cette fois le thème était « Saule pleureur » et la contrainte « Le récit doit s’étendre sur au moins une année ». Techniquement, je ne l’ai pas fini, et je continuerai probablement ce récit ; mais il a été particulièrement difficile à écrire pour moi, j’ai encore beaucoup de mal à transmettre des émotions via l’écriture.

La Colline au Saule

Certaines rencontres changent une vie, deux, ou même une infinité, à jamais, et font dévier ces vies de leur trajectoire originelle pour les amener vers un parcours nouveau. Ces rencontres majeures sont souvent dites « Fruit du Destin », et chacun est libre de croire en la «destinée», une force mystérieuse et invisible qui ferait bouger chaque chose selon un dessein également mystérieux, ou de croire que ces rencontres ne sont guère le fruit du destin mais plutôt celui du hasard.
C’est quand deux esprits, deux personnes, deux entités, se rencontrent ainsi que peut parfois naître quelque chose d’une beauté profonde, qui de tous temps a fasciné et obsédé ceux qui l’ont observée.

La guerre. Un phénomène terrible et pourtant si propre à l’individu. L’on tentera de faire croire à chaque occasion que la guerre sert un groupe, sert le bien commun, que la guerre est justifiée, mais elle n’est qu’un moyen pour certains individus de se placer au-dessus des autres et d’asseoir leur perception des choses. C’est le premier outil utilisé par les puissants pour devenir plus puissants, et par les faibles pour devenir puissants. Cette guerre, perpétuelle, est ce qui oppose Ethercande à Insolonde, deux nations également vieilles, aux idéologies différentes, et au rayonnement culturel important. Pour la guerre, la magie est passée d’une pratique mystérieuse et sacrée à un outil codifié et entièrement maîtrisé. Pour la guerre, la technologie est passée d’aide au quotidien à véritable centre de développement dans lequel les nations investissent. Pour la guerre, quantité de citoyens, civils, immigrés, sont devenus des soldats, des armes, de la chair à canon.
C’est au profit de cette guerre qu’a été établie l’académie de magie d’Illuscure, dans la nation d’Insolonde, à quelques lieues des plaines de Keros, l’éternel champ de bataille de cette guerre tout aussi éternelle, pour produire continuellement des sorciers de guerre, des armes ayant pour seul objectif d’écraser l’Ennemi.
C’est au profit de cette guerre qu’est parvenu au pouvoir le Monarque Vermeille, dans la nation d’Ethercande, et qu’il a réformé ses armées, dans le seul but qu’elles écrasent l’Ennemi.
C’est au profit de cette guerre que la jeune Ydra, âgée de onze ans, s’est inscrite à Illuscure.

Nimbée de doutes et d’incertitudes, Ydra fut confrontée à l’assurance de ses camarades dès son arrivée à Illuscure, alors même qu’elle se trouvait être la plus talentueuse des jeunes sorciers de son année. La pression perpétuelle de professeurs qui comptaient faire d’elle une arme de guerre pour leur nation et les regards envieux et arrogants de ses camarades la poussèrent à trouver une échappatoire. Elle se passionna d’exploration. La jeune Ydra, sans histoire, se mit à s’échapper d’Illuscure pour aller en explorer les environs dès que possible. Là, dans les paysages montagneux surplombant les plaines des champs de bataille, elle trouvait son compte, son calme. Dans ces creux montagneux oubliés des peuples guerroyant, elle trouva son calme, et son esprit fut apaisé. Quand elle s’étalait dans l’herbe et regardait le ciel, alors, toute incertitude disparaissait. Elle ressentait le monde qui ne demandait qu’à être découvert ; elle ressentait l’appel de l’horizon. De tous ces creux montagneux, son lieu préféré était celui qu’elle surnommait « Colline au Saule ». Un lieu accessible par le biais d’un tunnel dissimulé dans un ravin, qui amenait au sommet des montagnes. Il n’y avait qu’un des quatre côtés de cette colline qui n’était pas surplombé par des excroissances rocheuses gigantesques, lesquelles se rejoignaient en un toit improvisé et cela créait un paysage entièrement féérique, jamais battu par la pluie, rarement battu par la lumière, dont personne ne soupçonnerait normalement l’existence. Là, au centre exact de ce lieu, trônait un saule pleureur, qui ne survivait que par le peu de lumière l’atteignant au zénith. Pour Ydra, ce saule était comme elle. Malgré son environnement, il faisait de son mieux pour survivre et grandir, qu’importe le peu de lumière auquel il avait droit.
Ydra, elle, avait pris l’habitude de se reposer du côté ouvert aux lumières stellaires et solaires de la Colline – ce qui lui permettait d’observer quand elle le voulait le ciel, ou le champ de bataille. Elle adorait essayer de deviner de quels sortilèges provenaient les lumières colorées en contrebas, de jour, et créer des constellations en dessinant des formes dans les étoiles, de nuit.

Escapade après escapade, l’année passait doucement. Elle maintenait ses notes en classe, et se révélait toujours un cran au-dessus des autres. Le soir, elle usait d’un sort qu’elle n’était pas supposée connaître pour se glisser hors de l’académie avec une couverture de voyage et dormait à la belle étoile, explorant les montagnes. Et jour de repos rimait avec sortir plus tôt, ce qui lui permettait d’observer les combats. Personne ne l’attendait à la maison, sur ceux-ci, et elle était ainsi libre de partir à l’aventure. Lors des vacances d’hiver, elle s’équipa et grimpa les montagnes, puis monta le camp sur la Colline au Saule. De là, elle passa la soirée à observer les étoiles avec assiduité, et s’assoupit ce faisant. Cette escapade en apparence banale était pourtant différente des précédentes. Le « destin » était à l’oeuvre.

Ydra ouvrit soudainement les yeux, réveillée par un craquement sourd. Elle poussa sur ses mains pour se relever, quand une voix neutre à la douceur profonde fit délicatement son chemin vers ses tympans et l’interrompit.

– Ne vous dérangez pas, je ne fais que profiter de ce lieu. Restez assise, et faites comme si je n’étais pas là.

La voix venait de l’opposé du tronc du saule pleureur, et semblait partager la tristesse naturelle de l’arbre. Elle était immobile, vraisemblablement, et provenait d’une hauteur qui ne laissait imaginer que deux possibilités : soit, elle appartenait à une personne assise à même le sol, symétriquement à Ydra, soit à un enfant de bas-âge. Mais elle n’avait guère la tonalité d’une voix enfantine. Elle semblait au contraire porter toutes les douleurs que l’on put porter, comme un géant mythologique porterait toute l’entièreté d’une planète, et possédait la maturité d’une personne qui aurait vécu, voire trop vécu. D’aucun l’auraient sans doute qualifiée de désespérée, épuisée, vannée, si douce qu’elle fut. C’était là une voix qui criait silencieusement sa complexité. Elle semblait révéler beaucoup sur son propriétaire tout en cachant tout autant. Et pour une jeune femme comme Ydra, cette voix avait l’effet de l’envoûtement le plus profond. Elle attisait en une phrase une curiosité dévorante, qui faisait rapidement fi de toute prudence, ou presque ; le peu de prudence qu’il restait en celle-ci lui intimait de rester de son côté de l’arbre, et de ne pas en bouger.

– Je ne savais pas que quelqu’un d’autre connaissait cet endroit, murmura-t-elle délicatement, tentant de ne pas trop ouvertement montrer son intérêt pour son interlocuteur.
– Je ne le connaissais pas, mais il me connaissait. Je l’ai vu dans mes songes, il y a bien longtemps. Dès lors, je savais qu’aujourd’hui, je serais ici.

La profondeur de la voix qu’elle entendait se mêlait au mystère qu’elle évoquait, dans une fusion charmeuse qui continuait d’exciter l’intérêt d’Ydra. Elle adorait les énigmes, les défis intellectuels, les casse-têtes, et une seconde fut tout ce qu’il lui fallait pour se mettre à s’imaginer qui était son interlocuteur : chevalier au destin prophétique, prophète au destin chevaleresque, roi d’un royaume inconnu, sorcier qui avait vu la « vérité » de sa vie, oniromancien de légende. Elle refusait profondément de croire que ce n’était qu’un simple voyageur. C’est un cliquetis d’armure qui la ramena à la réalité, suivi du bruissement d’une cape contre les feuilles mortes. La voix qu’elle adorait déjà caressa ses oreilles une troisième fois.

– Mon nom est Garance. Garance d’Ethercande. A bientôt, jeune femme.
– … Ydra ! Je suis Ydra ! Hurla-t-elle alors que le cliquetis métallique des plaques d’armure frottant les unes contre les autres s’éloignait.
– Je sais.

Elle savait au fond d’elle que « Garance » lui répondrait ceci. Elle ne pouvait l’expliquer. Tout comme elle ne pouvait encore comprendre et expliquer son impatience de rencontrer à nouveau son mystérieux interlocuteur. Elle prolongea son séjour à la Colline au Saule, espérant chaque matin être réveillée par la voix qui l’avait charmée. Cela n’arriverait pourtant pas avant encore deux longues années.

Défi hebdomadaire : Rencontre des deux autres types

Le thème de ce défi était « Triangle », et la contrainte donnée était « Interdiction d’utiliser un autre mot de forme géométrique ». J’ai donc abordé ça via un récit en… triangle. C’est ce que ça m’a inspiré. C’était pour moi une occasion de travailler les voix de différents personnages, ce que je pense devoir encore considérablement creuser.

Partie 1 : Shatter

« Shatter », un nom qui en cette période sombre de l’histoire du super-héroïsme retentit au sein d’Abracadabra, cité-berceau de la magie. Un écho aussi gracile que dangereux d’une époque révolue. Un nom qui effraie les super-héros et les menace. Un auto-proclamé justicier à l’identité inconnue qui ne laisse aucune trace, outre des victimes brisées. Ses crimes ont une signature bien particulière : ses victimes voient ce avec quoi elles ont commis des crimes brisé. Un mage-ingénieur responsable de la création d’une bombe utilisée dans la dernière guerre a été retrouvé avec l’esprit brisé, incapable d’aligner deux pensées. Presque un légume. Un célèbre tueur en série qui éliminait ses victimes avec des chaussures cloutées a eu les deux chevilles réduites à néant, il ne marchera plus jamais. Une femme qui usait de ses charmes pour piéger des hommes et leur soutirer de l’argent a eu sa beauté brisée ; ce n’est plus qu’une femme ridée et malformée, au visage en miettes. Un homme qui battait sa femme et la violait régulièrement est devenu stérile – de force. « Shatter » est vu par certains comme un héros, mais reste un criminel de la pire espèce.

Aujourd’hui, « Shatter » va encore frapper. Ilyria Fay, aussi connue comme « Mademoiselle Fée », fille de joie dont la notoriété de haute-classe n’est plus à faire, a été invitée dans le plus grand secret au domicile de Sirius Sacken, un baron de la drogue abracadabrant. Elle y a pénétré, et s’est isolée avec lui, comme prévu, dans sa chambre. Elle le pousse à lui parler de son faux-manoir, construit au sein d’un bloc d’immeubles. Un informateur y travaillant lui a donné les plans d’un passage secret situé dans la chambre qu’elle utilisera pour s’échapper vers une ruelle proche, mais vérifier l’information par le biais de sa cible est toujours utile. Comme toujours quand Mademoiselle Fée se représente, nul ne peut voir qui il est outre son client. Elle est déguisée de la tête aux pieds. Nul ne sait qui elle est outre celui-ci. Immonde pourceau qu’il est, Sacken verrouille les portes de la chambre – le message est clair. Elle l’attire vers le lit. Et enfin… Elle le plaque dessus, et lui place son talon sur le ventre.

– Sirius Sacken. Baron du crime répandant la drogue, le meurtre, le crime et la dépendance au sein de notre cité en usant de vos mots comme d’une arme. Par le pouvoir que la Providence m’a conféré, je vous punis.
– Qu- ! Gar-

Elle appuie sur son talon, lui coupant le souffle avant de rabattre l’autre dans son menton pour qu’il se taise.

– Silence, pourceau. Vos mots ne pourront plus jamais blesser quiconque. Vous n’êtes plus rien. A partir de maintenant.

Elle pose ses mains sur celles de sa cible. Un craquement sonore lui répond. Puis un autre, un autre, encore un autre. En quelques secondes, les mains du porc deviennent inutilisables. Aucun médecin n’y changera quoi que ce soit. Mais ce n’est pas fini… Alors qu’il la supplie du regard, « Shatter » vient saisir la gorge et la langue de sa victime. Son corps réagit immédiatement : ses cordes vocales se tordent à l’unisson, l’empêchant d’appeler au secours, avant de se déchirer avec une inéluctable violence. Sa langue, elle, se replie sur elle-même et se boursoufle, s’atrophiant horriblement tandis que tout moyen de communication est enlevé au Baron. Sans mains ni voix, même la magie ne peut rien pour lui.
Sans attendre, elle jette son déguisement au bas et se précipite vers un chandelier. Elle tire le chandelier et ouvre le passage secret. Elle se glisse dans le passage secret et se précipite vers la ruelle. Elle court pour s’extirper de la ruelle et se prépare à ralentir à l’entrée dans la grande rue. Soudain, au moment d’en sortir, elle voit deux silhouettes se précipiter devant elle, l’une par la gauche, l’autre par la droite. Et leurs trois voix, ensemble, grognent :

– Dégagez de mon chemin !

Partie 2 : Melty

Le grand jour approche. Issu d’une petite famille de comiques à l’humour douteux, Melty Veil a toujours détesté son prénom, source de brimades dues à sa connotation féminine alors même que Melty est un homme. Son prénom d’origine devait être Jordan. Un nom normal. Correct. Qui passe partout. Et qui ne produit aucun problème. Mais non, quand il a, à sa naissance, accidentellement fait fondre le lit pour bébé sur lequel on l’a placé, ses parents ont trouvé cela magnifiquement drôle et ont décidé de l’appeler « Melty ». Et tenter de légalement changer son prénom n’y a rien changé. Les juges n’ont pas voulu ; après tout, qui écouterait un garnement des bas-fonds de Rougevoile, le bas-quartier d’Abracadabra ? Personne. Et c’est tout cela qui l’a poussé à passer du mauvais côté, et à rejoindre les fripouilles. Avant ses déboires avec les juges, Melty était plutôt sage, malgré son pouvoir. Après ? Il a compris les inégalités qui habitaient Abracadabra, et s’est engagé chez les Rebelles ; un grand nom pour un syndicat du crime organisé abracadabrant. Il a lentement mais sûrement grimpé les échelons, et il y a trois jours, on l’a mis sur une mission : un braquage. Son rôle ? Faire fondre la porte du coffre-fort. A Abracadabra, les méta-humains n’étaient pas choses courantes avant ces dix dernières années. Et la banque cible n’est peut-être pas la plus grosse, mais elle n’est pas équipée contre le pouvoir de Melty. Alors, évidemment, son rôle est crucial. Et il en est fier.

– Melty ? Prêt ?
– Oui, boss. A votre signal.

Il enfile sa cagoule, met ses gants, faits sur mesure pour résister à son pouvoir et l’amplifier, et finit de se préparer.

– Alors… On y va !

Ses « collègues » s’activent, pénètrent dans la banque. Il les suit. Tout se passe sans encombre. Une fois à l’intérieur, il évite les clients de la banque et va droit vers les coffres. Le boss rompt les sorts de protection ; Melty fait fondre le coffre-fort. Il pénètre à l’intérieur, et le boss lui dit de remplir leurs sacs d’argent. Il le fait. Mais il remarque que les sacs ne seront pas assez grands. Il se retourne pour poser une question au boss quand une balle passe à côté de sa joue, l’éraflant. Le boss vient de lui tirer dessus. Il n’a aucune idée de pourquoi, mais il a peur. Il lève les mains vers le boss, dans un geste défensif. Et inconsciemment, il déclenche son pouvoir. Le boss fond en peu de temps. Melty panique. Il prend deux des sacs et active son pouvoir ; un mur entier fond. Il passe à travers et retire sa cagoule. Melty est en plein milieu grande rue, et les passants le regardent. Pas de temps à perdre, il fonce sur la gauche et court à toute vitesse. Rapidement, il entend les sirènes volantes non loin de lui. Il se souvient qu’il existe une ruelle à ciel couvert non loin, de quoi distancer ses poursuivants.

– Vous, là ! Arrêtez-vous ! Au nom de la Loi, arrêtez-vous !
– Au nom de l’Ordre et de la Magie, arrêtez-vous !

Melty n’aime pas ce bruit. Quelqu’un se prépare à lancer un sort. Il n’y a pas de temps à perdre, pas d’autre solution, se dit-il. Il tourne ses mains vers la gauche et fait fondre un pan de maison, qui menace alors de s’effondrer. Cela devrait retenir les polisorciers un moment. Il se précipite vers la ruelle, mais en face de lui, quelqu’un menace de lui rentrer dedans, tandis qu’à gauche, quelqu’un sort précipitamment de la ruelle. Ni une ni deux, il prend une inspiration. Et leurs trois voix, ensemble, grognent :

– Dégagez de mon chemin !

Partie 3 : Fedesor

Fedesor Luhtenmajic. C’est le nom que l’être se donne. Autrefois, on l’appelait « Fée des Sorts » ou « Lutin Magique ». Mais Fedesor en a eu plus qu’assez. Pourquoi devrait-ce être une fée ou un lutin, hein ? Qui ose le forcer à être une fée ou un lutin ? Alors que Fedesor n’est que Fedesor ? Être incomparable, être supérieur, être sans égal, et… ? Quoi, sa taille ? Voyons, ce n’est pas le sujet. Non, non. Ce n’est pas important. Non, vraiment, ce n’est pas important.

SILENCE ! Quand je narre mon histoire, vous vous taisez. C’est MON histoire. JE disais donc.

Être sans égal, et plus futé que nul ne pourrait l’être, qui fait perpétuellement les quatre cents coups et se joue de sorciers comme de mages. C’est Fedesor qui dans son incommensurable grâce et son infinie générosité a appris la magie à ces imbéciles d’humains. C’est autour de sa maison que la cité a été fondée. Les humains sont venus un par un demander à Fedesor de leur apprendre son art. Et puis leurs maisons ont grandi, avec le temps. Et puis, maintenant, de sa maison on ne voit même plus le ciel. Il y a tellement de bâtiments construits autour que Fedesor est obligé de se téléporter pour partir de chez lui, ou de passer par une de ces antres pour créatures terrifiantes que les humains appellent « E. G. O. U. T. S. », sans doute l’acronyme d’  «Effroyable et Gigantesque Ouverture vers l’Ultime Terreur Souterraine». Et ça, ça, ça, c’est INACCEPTABLE ! Vous ne pensez pas ? On devrait pouvoir voir le ciel de là où on vit, qu’importe qui on est. On devrait pouvoir sortir de chez soi sans se téléporter. Parce que hein, qu’est-ce qu’il se passe le jour où la magie ne marche plus ? Hein ? Eh bah on est bloqué chez soi. Et ça, ça, ça, vous voyez, ce n’est pas possible. On doit pouvoir partir de chez soi. Parce que chez soi c’est pas très grand, et c’est à l’ombre. Et que Fedesor Luhtenmajic a besoin de partir de chez lui quotidiennement pour se nourrir. Parce que chez Fedesor, on stocke pas la nourriture. C’est pas propre ça. Il n’y a que les humains qui le font. La nourriture ça ne se garde pas chez soi. Et donc, Fedesor est allé en ville pour jouer un tour à ces satanés nourrissons d’humains qui l’empêchent de voir le soleil. Fedesor a utilisé un sort de métamorphose pour se transformer en humain fringant. Et puis Fedesor est allé dans la rue, et a joué à envoyer des malédictions sur les passants. Ils le méritent, ce ne sont que des humains qui lui bouchent le Soleil et qui ne reconnaissent même pas que c’est FEDESOR qui leur a appris la magie. Invraisemblable ! Le summum de la malpolitesse ! Ce mot n’existe pas ? Ce mot n’existe pas ? Ça, ça, ça…

J’ai dit SILENCE ! Je vous transforme en salsifis sinon, Monsieur le Polisorcier !

Je préfère quand vous vous taisez. Et donc, l’incommensurable Fedesor Luhtenmajic a fini par attirer l’attention des Polisorciers. Un Polisorcier s’est approché et a demandé à Fedesor qui il était. Alors, Fedesor l’a transformé en crapaud. La politesse dit qu’on se présente avant de demander aux autres qui ils sont. Et puis, on assume pas leur genre. Surtout quand ils ont cent fois votre âge. Et puis, Fedesor s’est mis à parler avec le Polisorcier. Pour lui expliquer son erreur, et soud-… Des bruits qui font «PIM-PON » au-dessus de nous ? Argh, il faut y aller. On y va, Monsieur le Polisorcier. On se met donc à courir. Et d’en haut on nous crie dessus !

– Vous, là ! Arrêtez-vous ! Au nom de la Loi, arrêtez-vous !
– Au nom de l’Ordre et de la Magie, arrêtez-vous !

Alors on court, on court, on court, on court. Et là on voit une entrée au milieu des bâtiments. Donc on va s’y engouffrer, comme ça les imbéciles d’humains se prendront le bâtiment en voulant poursuivre ! Quels idiots ces humains ! Mais un humain arrive en face de Fedesor Luhtenmajic et va s’engouffrer dans la ruelle lui aussi, un autre sortant au même moment! Alors Fedesor tire sur ses poumons humains transformés, et leurs trois voix ensemble, grognent !

– Dégagez de mon chemin !